[Récits et discussions] Le Royaume des Ombres

C'est quand même honteux, c'est le petit nouveau du forum qui ouvre ce topic ô combien important...franchement.

Donc petit post introductif pour expliquer le délire. Ce sujet est exclusivement réservé aux récits et aux "débats" concernant le Royaume des Ombres, histoire d'accorder nos violons et de, comme dirait notre Roshin national, "se toucher le soir en repensant à ce qu'on a fait".

Plus sérieusement, le but et d'arriver à créer quelque chose à partir d'une base que Blizzard a laissé quasiement vierge et qui sert le rp de bons nombres de personnages citrouillards (et pas citrouillards, d'ailleurs). Enfin, disons, qui sert un rp qui se veut relativement global.

Par contre, c'est ouvert à tous, évidemment, donc si vous vous sentez l'âme littéraire...

Pour le premier, c'est moi qui m'y colle avec un texte sur "l'image" du Manoir de Ravenholdt dans ce fameux Royaume des Ombres. Elle sert surtout à poser certaines idées concernant mon interprétation des Ombres qu'utilisent nos personnages, et de quelle façon ces Ombres "vivent" et colonisent le Royaume. Quelle est leur nature exacte ? Leur consistance ? Pour moi ce sont des allégories comico-mortuaires qui illustrent parfaitement les tueurs qui les emploient : cyniques, terribles mais en même temps joyeuses, car rappellons-le : ils deviennent assassins par choix, tuer leur apporte de la satisfaction.

Sur ce, bonne lecture !

Ravenezia, la Citée Masquée

Il existe là-haut, à la surface, des légendes absurdes basées sur des croyances populaires aussi galvaudées qu'infondées. On emploie des termes à tort et à travers, les mots se perdent dans les discussions comme des orphelins maltraités que l'on aurait abandonné dans une forêt mal famée. Au détour d'une ruelle obscure, cachée dans les vieilles villes, les bas-fonds, là où le seul et unique roi se nomme Superstition, on raconte ces légendes absurdes qui sont réécrites à mesure d'un nouvel orateur.

L'un de ces contes nous parle du Royaume des Morts et des Ombres, là où tout est morne et brumeux, là où règne la tristesse infinie et le désordre macabre. On raconte parfois que les fantômes qui peuplent ce lieu traversent les miroirs pour venir hanter notre réalité. Les miroirs, dit-on, sont les portes qui mènent à ce Royaume, si bien que ne pas se voir à travers un miroir relève de la damnation absolue. Jusqu'ici, personne ne s'est enquéri la véracité du propos et l'on est bien content, chaque matin, de retrouver son petit reflet que l'on aime tant.

Si ils savaient.

Si ils savaient ce que moi, le Poète, véritable conteur de cette belle caste perdue de la cour des Lumières, je sais. Si ils savaient, ils seraient vraiment effrayés. Oh oui, vraiment. Effrayés de voir que le pire est faux, et que le vrai est autrement pire. Effrayés de voir que la tristesse laisse place à cette insolente joie, là où les bals masqués animent les clairs de lune. Car oui, ce Royaume a une lune. Une magnifique lune qui vient éclairer chaque relief de ces postiches souriantes avec une douceur incomparable. Là-bas, les Ombres dansent et s'amusent, elles rient et festoient. Les morts sont plus heureux que les vivants.

Ils en seraient vraiment effrayés.

Ils deviendraient peut-être même fous lorsqu'ils visiteraient la majestueuse Ravenezia, la Mascarade Infernale, la Citée Voilée. Fous de voir tous ces masques, ces magnifiques musiciens et ces danseurs malsains. Fous de contempler les gigantesques flèches oriflammées et tous ces oiseaux de morts planer divinement tout autour, les fenêtres lumineuses contenant à grand peine les rires moqueurs et ce petit air de clavecin enivrant. Fous d'acclamer malgré eux ces ténébreux duellistes se défiant sur les toits de tuiles noires, avec leurs grandes chausses et leurs foulards qui leur cachent le visage jusqu'au nez, et ces grands manteaux de cuir qui battent au vent en claquant à mesure que les lames s'entrechoquent dans une douce symphonie théâtrale.

Certaines verraient en ce grand sentier qui mène à un immense portail de fer forgé le chemin qui conduit au chaos. Là, derrière cette grande entrée, le sentier irait droit au Manoir des Damnés, ouvrant la vue à cette splendide bâtisse de pierre et de bois. D'horribles majordomes les attendraient pour les conduire jusqu'à une tombe de péché et de luxure, tout droit dans les bras de ces courtisanes embrasées d'envies et enivrantes de beauté. Et la musique ! La voix du mal ! Là, jetés dans la cour des Nobles, ils ne sauraient que faire, entre les petits chuchotements amusés, les indignations exagérées et toutes ces notes tintantes.

Ils en deviendraient fous.

Mais alors, seraient-ils à ce point dans l'erreur ? Où est la Mort, où est la Brume, où sont les Fantômes ? Eh bien, il n'y en a pas. Ici, la Mort n'est que le reflet de la Vie, cette même vie que nos morts prennent à la surface. Ils sont morts dans l'âme, leur vie ne tient qu'à cette mort qu'ils dispensent. Ils la connaissent, la cotoie; c'est une vieille amie. Et tout en bas vivent leurs spectres, leurs plus brillants alliés, ces Ombres qui viennent à la surface danser pour accomplir leur office. Car oui, si nous refusions de croire qu'ils tuent, nous pourrions dire qu'ils dansent. Chaque battement d'aile de ces rapaces d'ébène donnerait le rythme, accompagné des clavecins malsains. Et alors, ils partiraient un instant de Ravenezia.

Et ils danseraient.

(J'aime le premier jet !
Je rappelle quand même que les premières Ombres n'ont pas fait le "choix" d'entrer dans ce Royaume, elles y ont été maudites et c'est un lourd fardeau.
Ne devient pas Ombre qui veut, car si les premières ont été maudites, elle peuvent montrer la voie aux nouveaux aspirants qui veulent pénétrer ce Royaume, mais là encore il y a contre-partie. De très lourdes dettes en échange.
Les rumeurs sont nombreuses sur tout cela et l'on discerne mal le vrai du faux et de surcroit encore moins le 'but'.

Je vais prendre la suite dès que j'ai fini ce texte !)

Note que les Ombres de Ravenezia sont issues d'une malédiction, une sorte de pacte avec la Mort, si tu lis bien. Ces assassins perdent une grosse partie de leur humanité en consacrant leur existence à l'obscurité, et c'est une longue, très longue initiation qui peut octroyer certains dons. Mais plus l'on s'enfonce dans les Ombres, plus leur malédiction déteint sur leurs porteurs.

Les signes physiques les plus évidents sont la décoloration des pupilles qui virent au violet/pourpre, des visages qui deviennent soit de marbre soit expressifs à outrance et un teint de peau extrêmement pâle. Quant aux individus, ils deviennent sociopathes, cyniques à l'extrême et ressentent souvent de fortes envies meurtrières. C'est une voie très douloureuse mais ils apprennent à vivre avec, jusqu'à s'en complaire, ce qui les met totalement en marge du commun des mortels.

*Attend la version d'Aya avec la malédiction d'Elune, ayant eu du mal a trouver quelque chose on the internet*

La Théorie de l'existence est une chose bien compliquée.
On dit d'une Entité qu'elle devient réelle qu'une fois nommée. Qu'une Déesse n'a pour visage que celui qu'on lui tend. Qu'un Dieu n'a de pouvoir que par la véhémence des actes des croyants.
La vie a pour apanage l'Emprise.
Car l'existence ne craint par la Mort, elle craint l'Oubli.
De défunts Héros n'ont jamais été plus vivants qu'après leurs décès. Puisque les témoins, les aèdes et la populace vivifient l'histoire jusqu'à la rendre palpable.
L'ardeur et la clameur amènent à croire à l'authenticité- à tort ou à raison- la vie décrite nous semble tellement voisine que nous pensons l'avoir vécue et connue comme tout un chacun.
Appartenir aux autres c'est avoir de l'Emprise.
Et au contraire, un individu qui ne s'agite que pour lui, sera voué à disparaître dans l'indifférence totale. D'abord de mourir, il sera de surcroit oublié. Aucunes mémoires ne viendra le reconstituer.
C'est ainsi que de l'Existence, puis l'Histoire nous approchons de la Légende.
Le Mythe est une sorte d'interstice entre le souvenir et l'oubli.
La véracité est moins concrète. Du Tangible intervient le Doute. C'est l'instant où l'on discerne mal le vrai du faux. Où les preuves ne sont plus et ne restent que les brides du tissage du Destin. Où l'existence ne repose que sur le questionnement: «Cela a t-il eu lieu ? Comment était-ce avant ? Qui a construit ça ?...»

C'est valable pour «Linceul», tant qu'il restera des gens pour s'interroger, elle vivra.
Chaque fois que cette Cité perdue s'est enfoncée dans les limbes, un manuscrit la détaillant a refait surface inopinément, ou un trouvère soudainement doué d'inspiration s'est mit à chanter sa gloire passée.
A croire que Linceul, elle même s'amuse à chasser l'Oubli d'une tape sur la main, comme on repousse un chien agité.
Avec nonchalance et subtilité. Un juste dosage pour faire perdurer son Emprise sur l'esprit des plus curieux. Assez d'éloquence pour s'extirper de la tombe, mais pas suffisamment pour se révéler totalement.
Elle reste une silhouette éthérée. Rassurante par son côté familier provoqué par les on-dit. Mais obsédante pour ses mystères et les réponses encore en suspens.

Linceul la bien-nommée.

J'entre par la porte de l'Automne. Ma Cité possède cinq voies d'accès. Le Printemps, l'Été, l'Automne, l'Hiver et la Mort. Au commencement, seules quatre furent construites. Mais dans le Royaume des Ombres, nous avons une relation singulière avec l'en-dessous, un va et vient récurent, aussi il ne faut jamais faire barrage aux gisants.
J'entre donc, disais-je, mon vaisseau et moi, par la Grande Arche de rouge, d'ocre et de miel. L'Automne éternel. De Sang et d'or. Avec ses feuilles, telles des larmes, qui virevoltent et tombent sans un bruit. Des pleurs pour le Roi. Pour moi, Obscur.

Sur le pont supérieur de mon navire, les marins cessent de s'agiter pour contempler, bouche bée, le tableau qui s'annonce par la Grande Arche. Même mes hommes les plus anciens arrêtent leurs manœuvres, laissant voguer le vaisseau d'ébène afin de profiter du spectacle. Pourtant, comme moi, ils auraient du y être habituer. Mais entrer à Linceul ne devient jamais une formalité, jamais.
La Proue, sculptée d'une Harpie, est la première à passer sous l'Arche. La Créature Mythologique placée à l'avant a déjà basculé dans la pénombre. Et je souris à l'avancée. Ce côté ci du bateau est encore baigné de Lumière. Mais en amont tout est opaque. Car Linceul s'auréole majestueusement de son propre ciel, un voile mortuaire qui lui va à ravir et qui lui vaut surtout son nom. J'ouvre mes bras, figé comme une croix. J'embrasse ce retour. J'étreins mes Ombres.

Des sons parviennent à mes oreilles. Au début, ce n'est qu'un faible chuintement, que l'on aurait pu associer, à tort, aux bruits des poulies qui hissent la grand voile. Mais à mesure les bourdonnements s'intensifient et à présent, on peut distinguer, sans se tromper, leur provenance: Un chœur de Trompettes qui mugissent à l'unisson. La foule est déjà compacte, j'entends leurs cris et leurs hourras. Je n'aperçois pas encore leur visages, mais comme il m'est facile d'imaginer leur mines réjouies. Le brouhaha des instruments et des hurlements me happe totalement. Je lève mes bras plus haut, mains pointées vers les cieux, je les salue, car ils sont là pour cela. Pour accueillir le retour de leur familles, leurs amis, leurs guerriers. Pour me saluer, moi, leur Roi, l'Obscur.

Mon vaisseau se dirige vers un espace abrité. Le port, où sont amarrés quelques autres navires de formes et de tailles différentes. Des cogues, des jonques, des goélettes. Certains à la coque rouge, teinte significative des marchands itinérants, d'autres plus élancés pour les plaisanciers revêtant des allures étranges, manticore, cockatrice, kraken, cygne..un Cygne ? Quelle idée...
Derrière le port, il y a une zone, que l'on ne peut distinguer car elle est creusée toute autour de la Cité. Pour cela elle est surnommée 'Le charnier'. Ce sont les bas-fonds, une ville basse où il ne fait pas bon vivre. Il y a toujours ce genre d'endroit dans chaque agglomération. Mais le Charnier de Linceul est particulièrement fascinant. Au dessus de ce bourbier, la ville..des maisons et des échoppes de bois, toutes montées sur pilotis. Parfois à des hauteurs si vertigineuses que les frondaisons se sont mises à pencher, seuls les murs de la cahute voisine retiennent le tout de s'effondrer. Aucune rue de visible et pour cause, les bâtisses sont reliées les une aux autres par un astucieux casse-tête de cordages et de pontons. On aurait dit un amas de lianes et de lierres grimpants aux pousses incongrues. Succédant à cela, des bâtiments plus volumineux, encastrés en demi cercle. Tous arborent des couleurs vives, de rouge, de jaune, de bleu...comme la queue d'un Paon qui se déploie avec fierté. Fier, je le suis, moi, en m'abreuvant de ce paysage. Ma Cité orgueilleuse. Mon Royaume.

Mon Château. Le point culminant de Linceul. Un gigantesque pic rocheux. Dont la roche polie à plusieurs endroits lui donnent un aspect métallique qui réverbère la lumière de nos deux lunes, offrant à Linceul une Clarté, certes sommaire, mais nécessaire et suffisante. Lorsque j'ai posé pieds ici, c'était une terre désolée. Dont le firmament déchiré ne laissait passer aucune lueur. Il a fallut de la ruse et du temps pour mettre en place ce jeu de miroirs, placés un peu partout après de savants calculs, afin d'éclairer la Cité.
Aux côtés du Pic principal, plusieurs sommets s'élancent également vers le ciel ténébreux. Des tours tantôt arrondies comme des monts, tantôt piquantes comme des aiguilles. Décorées sur leurs façades d'oriflammes et de bannières. Pressées les une contre les autres. Un bouquet de lances et de flèches.
Mon Château, Ma Cité.
Linceul.

( A venir la chute de Linceul et la nature de L'Obscur )

Texte très intéressant, je trouve ! L'intro est assez révélatrice sur le statut de la ville qui semble se suffire à elle-même, un peu comme Ravenezia, d'ailleurs !

D'ailleurs, je te suggère de jeter un oeil au cycle Wieldstadt de Pierre Pevel, à ce sujet.

Sinon l'intro sur les idées et les contes qui substituent des vérités (on est jamais plus héros que dans la mort) est vraiment à creuser, je trouve. D'une part, parce que le concept en lui-même est intéressant. De deux part, parce que je l'utilise aussi (héhé :p) mais de façon encore plus poussée via la cour des Lumières, puisque les idées ont un tel pouvoir en ce lieu qu'elles prennent vie (ce sont les Eidolons -oui, j'ai piqué le mot car je le trouvais joli, si tu vois ce que je veux dire - dont Shanys est, d'ailleurs).

Pour ce qui est de Linceul en elle-même, ce soit être une ville très intéressante à visiter, sûrement peuplée de bien des secrets. Donc, vivement l'event !

(J'ai eu que de bons retours, j'suis vraiment flattée
J'me motive à écrire la suite !)